Aujourd’hui, Quentin nous livre sa vision de la douance par le biais du questionnaire ‘Ma douance du tac au tac’. Merci Quentin! Il est inspecteur de police et vit actuellement à Namur, en Belgique.
.SI JE POUVAIS CHOISIR, SERAIS-JE SURDOUÉ·E?
Question plutôt compliquée. En fait, il est difficile de trancher sur ce genre de question. Un surdoué/HP a toujours vécu comme cela, avec sa différence sans vraiment connaitre un autre mode de vie. Il est simple de dire si l’on préfère le chocolat, la noix de coco ou les fraises ayant pu goûter aux trois. Vivre une vie de personne normale (non atypique, je préfère 😉), c’est abstrait et contre notre propre « soi ». Donc, je dirais que j’apprécie cette version atypique de moi, ma façon de fonctionner et d’être.
.CE QUE C’EST ÊTRE SURDOUÉ·E POUR MOI
HP est pour moi une sorte de super pouvoir : On ressent les choses différemment, on voit le monde différemment, on pense autrement…Cela peut être compliqué à vivre, mais dans l’ensemble, cette « différence » est une sorte de don : Penser plus vite, plus fort, ressentir les émotions avec une plus grande intensité, avec un sens profond de la justice, une grande logique, une ouverture d’esprit importante et tous les autres petits détails, comme la curiosité, l’envie d’en savoir toujours plus.
.SI JE DEVAIS CHOISIR UNE IMAGE OU UN MOT CLÉ QUI RÉSUME CE QUE C’EST ÊTRE SURDOUÉ·E
Une galaxie….un immense ama de toute sorte de choses différentes, qui n’ont pas forcément de liens, mais interagissent tôt ou tard et avec une grande intensité. Toutes ces choses fonctionnent différemment, sont posées ou très actives, sont sombres ou brillantes. C’est un peu cela être surdoué, une grande galaxie qui fourmille dans notre tête.
.DEPUIS COMBIEN DE TEMPS JE LE SAIS
J’ai toujours su que j’étais différent. Je pense que mes parents aussi. Mais l’on parle ici d’une époque où les HP n’existaient pas (le terme en tout cas) et les surdoués se limitaient à Einstein et donc, par ricochet, à une personne d’une intelligence telle qu’elle était heureuse et réussissait sa vie en obtenant un prestigieux diplôme. J’ai donc suivi pendant de très nombreuses années des thérapies chez différents psychologues pour trouver le mal qui me rongeait et cette différence que je ne pouvais expliquer. La première fois que j’ai entendu le terme HP était lors d’une séance avec une praticienne qui ressentait chez moi une profonde différence et un potentiel important qui était en sommeil tel un volcan millénaire. J’ai cessé de voir cette praticienne et je suis passé par une association pour HP. J’ai ensuite eu de nombreux rendez-vous avec psychologues et neuropsychologue, test de QI et de potentiel…tout ceci a révélé mon HP en 2018….tout comme cela a lancé le processus pour découvrir que j’avais également un TDAH en 2020 ( en plein début de pandémie).
.COMMENT JE L’EXPLIQUE À UNE PERSONNE QUI N’EN A JAMAIS ENTENDU PARLER
Simplement : Une personne HP est un individu commun, mais qui pense différemment (arborescence…), plus vite et a une vision atypique de ce qui l’entoure. Nous n’étudions pas les trous noirs, nous en sommes.
NB de Gloria: la pensée en arborescence n’est pas réservée aux HPI. Pour en savoir plus, clique ICI.
.LA REMARQUE QUI M’A LE PLUS SCOTCHÉ LORSQUE J’EN AI PARLÉ
En fait, j’en ai deux. La première vient de ma marraine : « J’ai toujours su que tu étais différent ». Cette phrase m’a réchauffé de l’intérieur comme un tsunami de bonheur.
La deuxième est venue du monde de la médecine, lorsqu’un médecin spécialisé dans les troubles de l’attention m’a dit « qu’avec des capacités pareilles, je pouvais faire quasiment tout ce que je voulais de ma vie…. ». C’est une phrase importante pour quelqu’un qui doute constamment de lui, de ses capacités et qui n’a jamais su les exploiter correctement.
.EN QUOI CELA A CHANGÉ MA VIE (DE LE SAVOIR)
Comprendre (enfin) pourquoi certaines choses fonctionnaient différemment chez moi, pourquoi ma mémoire visuelle était si performante alors que j’étais incapable d’étudier un texte par cœur. Même s’il reste énormément de chemin, je sais maintenant que j’ai la capacité pour faire bien des choses qui me semblaient impossible avant.
.CE QUE JE M’AUTORISE DEPUIS
Etant instructeur de self-défense, je me suis mis à étudier tous les mouvements que je devais apprendre à mes élèves, mais de manière plus scientifique, en incluant des principes de physique et de biomécaniques que je n’avais jamais étudié auparavant. Sachant cet avantage, je l’ai mis à contribution dans ma compréhension du fonctionnement biomécanique mais également de la psychologie d’un agresseur et d’une personne agressée. Cela m’a énormément aidé dans mon rôle d’instructeur mais également dans mon travail de policier.
.CE QUE CELA SUSCITE CHEZ LES AUTRES LORSQUE J’EN PARLE
De manière générale (et ayant pourtant une grande pédagogie), cela n’a rien apporté de plus ou de moins aux autres. Les amis et la famille ont vu que je n’avais pas changé. Mais, j’en suis sûr, un peu de fierté chez mes parents.
.CE QUI M’ÉNERVE DANS LA DOUANCE
Ne pas savoir contrôler le tout et ne pas (encore) être en mesure d’utiliser toutes ces capacités.
.CE QUE J’AIMERAIS METTRE EN AVANT DE LA DOUANCE
Cette capacité de réflexion particulière (et qui porte encore à débat), qui apporte vraiment un plus dans la façon de voir, ressentir les choses.
.CE QUI EST LE PLUS DIFFICILE PERSONNELLEMENT
Chercher encore mon chemin….bien que je pense connaitre la direction, je ne l’ai pas encore trouvé. J’ai une passion que j’aimerai voir développée : l’écriture. Je serais tellement heureux de devenir écrivain. Mais c’est tellement difficile d’organiser la chose et d’avoir une idée précise….lorsque des centaines arrivent en permanence tout au long de la journée.
.CE QUE J’ADORE PERSONNELLEMENT
Ma façon d’analyser les choses. Difficile à expliquer, mais j’ai cette capacité à voir un problème sous de très nombreux angles. Lorsque le souci est d’ordre technique (comment faire tenir tel truc dans un autre), je me projette à l’intérieur de la matière ; comme si je modélisais en 3D dans ma tête. Cela m’aide énormément et ça me procure toujours une immense sensation de bien-être.
.L’OUTIL OU LA PRATIQUE BIEN-ÊTRE QUI M’AIDE LE PLUS
Me mettre dans mon lit le soir, placer un casque sur mes oreilles, écouter des bruits de la nature ( surtout les tempêtes et orages….j’adore les orages et le tonnerre) et laisser mon imagination partir en roue libre. C’est comme s’asseoir dans une salle de cinéma sans connaitre le film, mais en sachant d’avance que tout ce que l’on y verra nous plaira. Le pied 😊
.UNE REPRÉSENTATION QUE JE VEUX BATTRE EN BRÈCHE
Un surdoué n’est pas forcement heureux avec une vie professionnelle incroyable.
.CE QUE JE VEUX DIRE AUX SURDOUÉ·ES
Ne rester pas seul·es, faites vous aider et parler en aux personnes de confiance qui comprendront et sauront vous entourer.
.CE QUE JE RECOMMANDE À UNE PERSONNE QUI S’INTERROGE
N’écoutez pas les professionnelles de la santé qui vous disent qu’être HP, c’est un mythe, que ça n’existe pas (situation vécue personnellement via un psychologue).
.L’ERREUR À NE PAS COMMETTRE POUR UN·E SURDOUÉ·E
Le crier sur tous les toits. Beaucoup ne comprendront pas et en joueront. C’est alors la porte ouverte au massacre moral. Seulement les personnes de confiance.
.MON CONSEIL DOUANCE (VIE) PROFESSIONNELLE
Trouvez un job qui vous convient. Peu importe le travail, tant que l’on est bien et heureux d’y être, ça vaut tout l’or du monde.
.MON CONSEIL DOUANCE (VIE) PERSONNELLE
Expliquez ce qu’est une personne HP et reconnaitre que parfois, on est dans l’exagération et qu’il est très difficile de gérer des choses qui semblent si simple pour les autres.
.MON AVIS SUR LE TEST DE QI WAIS
Il est intéressant, mais ne prend pas en compte certaines subtilités de la personne. Par exemple, dans le test avec les images, j’ai vu qu’il manquait de la neige à un endroit (décor d’une cabane dans la montagne) alors qu’il y aurait dû y en avoir. J’ai expliqué le pourquoi je pensais que c’était la bonne réponse. Cette remarque attira l’attention du neuropsy mais n’était pas la bonne réponse. Idem pour une autre image : Il manquait une branche pour relier des feuilles entre elles sur une plante dans un décor de bibliothèque. Encore une fois, réponse pertinente mais pas la bonne. Pourtant, il m’expliqua que j’étais le seul à avoir vu ses détails. Dommage. Le test est parfois trop rigide et parfois trop laissé à l’appréciation du psychologue.
.EST CE UN GÂCHIS DE NE PAS SE SAVOIR SURDOUÉ·E ?
Je pense que c’est un gâchis de l’apprendre si tard. J’avais une envie quand j’étais jeune : Devenir scientifique…j’étais passionné par l’univers. Mais comme j’avais énormément de soucis de mémorisation (dû je pense, à un système scolaire dépassé qui favorise la mémorisation en lieu et place de la compréhension…), j’ai toujours eu beaucoup de difficulté et des notes très basses. J’ai donc eu une scolarité difficile avec des titulaires qui m’ont poussé dans une branche que je détestais et mentit à mes parents (véridique) en me faisant passer pour un cancre et un perturbateur.
.QUAND JE CROISE UN·E AUTRE SURDOUÉ·E, JE LE RECONNAIS ? A QUOI ?
Honnêtement, j’ai déjà croisé des personnes très intelligentes et j’en suis toujours ravi. Je n’ai pas une grande culture générale, mais j’aime discuter avec des personnes que l’on ressent « haut dessus » de la norme. Je les reconnais à la richesse de langage, la façon de penser et voir les choses.
.LES ÉTAPES CRUCIALES À NE PAS RATER DANS LE « PARCOURS DOUANCE » D’UN·E SURDOUÉ·E?
Il n’y pas vraiment d’étape. Tout le monde est différent. Personnellement, je suis devenu papa à 20 ans, alors sans emploi et un diplôme dans une fonction que je détestais. J’ai bossé dur, j’ai eu un deuxième enfant, j’ai changé plusieurs fois de boulot ( j’étais électromécanicien…) pour ensuite me faire licencier et rentrer dans la police. Travail que je considère comme un des plus beaux (mais aussi moralement et mentalement le plus dur), et qui m’apporte énormément tout en apportant beaucoup aux autres et à la société.
.LA DERNIÈRE CHOSE QUE J’AI APPRISE SUR LE SUJET (QUE J’AIMERAIS PARTAGER)
Même si je n’ai pas encore les clés pour contrôler mon intellect et parvenir à dompter mon TDAH, je sais que je suis capable maintenant de grandes choses et un jour, je pourrais réaliser mes envies (devenir écrivain, apprendre l’anglais et l’espagnol, etc.).
.UNE INTUITION SUR LE SUJET
Pour moi, l’intuition n’est que le résultat d’une analyse complexe et inconsciente d’une situation particulière qui attire l’attention. Je ne vois donc pas l’intuition comme tout un chacun, mais comme un processus à part entière.
